Mardi 14 décembre 2021 – 11h55 à 13h10 – Jour 2 – Plénière 3
Panélistes :
Taleb OULD SID’AHMED – Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle de Mauritanie, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle de Mauritanie
Yves DELAFON – Africalink, Président, Administrateur/cofondateur du Groupe Banque pour le Commerce et l’Industrie
Karima EL HAKIM – Fawry, Ecosystem and Venture Builder
Bertrand BADRE – Blue like an Orange Sustainable Capital, Managing Partner et fondateur
Asma BOUZAIDI – Flat6Labs, Senior Investment Associate
Isadora BIGOURDAN – Digital Africa, Chief Programm Officer
Mariem FAGHRAOUI – NEOLLI, Co-fondatrice
Wilfrid LAURIANO DO REGO – Conseil présidentiel pour l’Afrique, Coordonnateur – Global Lead Partner et Président du conseil de surveillance de KPMG France
Mise en contexte
EMERGING Valley en est convaincu : pour définir un nouvel agenda positif et porteur d’espoirs, la Méditerranée a besoin de ses leaders ! De la e-santé aux dernières technologies éducatives en passant par l'agriculture, l'éducation ou l’émergence des “Enabling Technologies” capables de sortir de la précarité les travailleurs et travailleuses informels du pourtour méditerranéen, les femmes mauritaniennes, libyennes, algériennes, tunisiennes et marocaines sont de plus en plus nombreuses à s’engager chaque jour dans une voie entrepreneuriale pour impacter positivement le continent.
Alors que l’entrepreneuriat féminin apparaît de plus en plus comme le nouveau moteur de la révolution digitale en Méditerranée, comment faire de ces femmes la nouvelle priorité stratégique pour l’innovation et l’emploi entre les deux rives ? En amont du Forum des Mondes Méditerranéens organisé par la Présidence de la République et qui se tiendra en Février 2022 à Marseille, comment accompagner et propulser ces femmes capables de motiver et d’inspirer la jeunesse de la Méditerranée autour de projets positifs ? EMERGING Valley réunit les leaders méditerranéens d'aujourd'hui, issues de la société civile ou d’institutions publiques pour débattre de ces questions.
Les startups se sont développées en Mauritanie ces cinq dernières années, et le temps où la fonction publique était le seul pourvoyeur d’emploi est révolu. L’accès à l’emploi, notamment des jeunes, demeure cependant un enjeu politique incontournable pour garantir la paix sociale. Le chômage concerne essentiellement les jeunes et plus particulièrement les femmes : il est donc important de développer des programmes qui permettent aux femmes de trouver leur place. En Mauritanie, les femmes sont connues pour leur leadership et leur capacité à innover, à imaginer des projets et à les concrétiser. Investir dans les femmes, c’est investir dans la société. L’entrepreneuriat féminin est un outil pour venir à bout du chômage des femmes. Un important programme d’accompagnement sera lancé dès janvier 2022, avec 50 % des financements à destination des femmes.
L’entrepreneuriat féminin est un outil pour venir à bout du chômage des femmes
« La stabilité de la Mauritanie et des pays voisins dépend aujourd’hui fortement
de l’emploi des jeunes : les gouvernements doivent leur donner la possibilité
de s’exprimer et de s’autonomiser. »
T. Ould Sid’Ahmed
Digital Africa : favoriser la parité et créer des vocations chez les femmes
Digital Africa est un programme de 130 millions d’euros en soutien à l’émergence d’innovations numériques au service de l’économie réelle sur le continent. Le numérique constitue ainsi un vrai levier de développement et d’accélération pour l’Afrique, où les femmes ne représentent qu’un cinquième des spécialistes du numérique sur le continent, alors qu’elles sont tout aussi qualifiées que les hommes pour accéder à l’économie digitale.
Tous les programmes sont ouverts à parité aux hommes et aux femmes, dans une approche volontariste. Ainsi Digital Africa a lancé avec la coopération allemande le programme “Talent for Startup”, qui accompagne les jeunes pousses dans le recrutement de talents locaux. Les bourses seront attribuées pour moitié à des hommes, pour moitié à des femmes.
La démarche vise aussi à créer des vocations auprès des femmes et même des filles, en faisant tomber les barrières et les croyances limitantes. Le média Resilient digital Africa donne donc la parole à des modèles de la tech africaine, notamment des femmes. Les incubateurs de recherche vont faire le lien entre les femmes qui travaillent sur des sujets de recherche et des compétences entrepreneuriales. Le changement passera aussi par l’éducation des garçons : les hommes doivent apprendre à assumer leurs valeurs féminines et les sciences dures ne sont pas réservées aux garçons.
La démarche vise aussi à créer des vocations auprès des femmes et même des filles, en faisant tomber les barrières et les croyances limitantes. Le média Resilient digital Africa donne donc la parole à des modèles de la tech africaine, notamment des femmes. Les incubateurs de recherche vont faire le lien entre les femmes qui travaillent sur des sujets de recherche et des compétences entrepreneuriales. Le changement passera aussi par l’éducation des garçons : les hommes doivent apprendre à assumer leurs valeurs féminines et les sciences dures ne sont pas réservées aux garçons.
« Digital Africa met en œuvre de nombreuses actions visant à favoriser la parité dans le numérique, autour de trois piliers : le renforcement des talents, le financement des startups en amorçage et la partie recherche et politique publique. »
I. Bigourdan
Développer une taxe pour favoriser l’égalité femmes/hommes
Promouvoir les femmes est non seulement une bonne chose, mais aussi une démarche intelligente. Il convient de passer d’une phase de socialisation, entre personnes qui se comprennent, à une adhésion au cœur du système.
Au-delà de l’éthique, l’égalité entre les hommes et les femmes est également une richesse. L’humanité ne peut pas marcher sur une seule jambe, et se priver de 50 % de ses richesses intellectuelles, culturelles et émotionnelles.
« Il y a une urgence à intégrer les questions de diversité et d’égalité hommes femmes dans la finance, y compris en passant par la taxonomie, comme c’est le cas pour le carbone. »
B. Badre
Les femmes peuvent changer les choses, ensemble
Avant de créer NEOLLI, Mariem a passé plusieurs années dans le privé, dans un métier masculin. Un parcours qui lui a appris qu’il était possible de s’imposer, de faire tomber les croyances, mais surtout qu’il n’est pas nécessaire de suivre le modèle masculin dans l’approche managériale et stratégique. En effet, les spécificités féminines constituent une force et ayant grandi dans la médina de Marrakech, elle a choisi l’artisanat pour porter le message qu’il est possible d’être une femme et d’entreprendre, qu’il est possible de casser les barrières. Parfois, il faut juste un peu d’accompagnement pour y parvenir.
« Les femmes peuvent changer les choses, ensemble, égaler les hommes voire faire mieux. Elles ont juste besoin d’un petit coup de pouce. »
M. Faghraoui
Elles & Fawry : 400 femmes deviennent leur propre patronne
Fawry, qui compte 30 millions de clients et a levé 4,5 milliards d’euros de fonds en 2020, a lancé un programme baptisé “Elles & Fawry”, qui a permis à 400 femmes de bénéficier d’un point de vente Fawry pour débuter un business et devenir leur propre patronne en vendant des produits. Les entreprises cherchent de plus en plus à faire de l’inclusion, tandis que le gouvernement égyptien, lui, met en place une politique incitative pour que les fonds d’investissements et les incubateurs accompagnent plus de femmes. À présent, ce sont les critères d’investissement dans les entreprises qui doivent évoluer, pour favoriser celles qui donnent leur place aux femmes.
« En Égypte, la part des femmes dans le paysage entrepreneurial demeure faible. Les entrepreneuses qui ne viennent pas des milieux privilégiés ne sont pas assez mises en avant. »
K. El Hakim
Des programmes pour insuffler aux femmes l’esprit entrepreneurial
Flat6Labs a démarré en Égypte afin d’étendre son action. À date, le groupe a investi 85 millions de dollars en Afrique et au Moyen-Orient. L’équipe est à 90 % féminine, mais les femmes sont rares au Conseil d’administration. Il s’agit d’une tendance de fond.
Flat6Labs ne fait pas de discrimination positive, mais suit les indicateurs relatifs à la présence des femmes. En revanche, les road shows, les sessions d’information et les messages sur les réseaux sociaux sont plus ciblés vers les femmes. Un programme de pré-accélération a été conçu spécifiquement pour les femmes, pour leur insuffler l’esprit entrepreneurial, les inspirer et intégrer une composante digitale dans leur projet. La place des femmes est aussi culturelle, et dépend souvent de l’éducation apportée par les mères et par les pères.
« La Grande Muraille verte est un projet politique emblématique créé par l’Union africaine en 2009, qui vise à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030 dans 11 pays du Sahel, de la Mauritanie jusqu’à Djibouti. »
S. Toumi
Pass Africa, un écosystème mobilisé pour les entrepreneurs de la diaspora
Suite au tour de France des diasporas réalisé par le Conseil présidentiel pour l’Afrique avec Bpifrance entre septembre 2020 et février 2021, le programme Pass Africa a été construit pour répondre aux défis identifiés. Il vise à accélérer le développement des entrepreneurs à fort potentiel entre la France et l’Afrique. Concrètement, c’est un parcours unique et prioritaire créé au sein de Bpifrance à Paris et dans ses directions régionales avec plus de 80 partenaires. C’est tout un écosystème qui s’est mobilisé avec le CPA partout sur le territoire pour les entrepreneurs de la diaspora, dans les domaines de l’investissement, de l’accompagnement, du financement, de l’assurance, de la garantie et du soutien à l’innovation. Pass Africa est une communauté mobilisée et connectée pour des opportunités de réseaux de communication et de partenariats, une visibilité augmentée dans les médias et une communauté digitale regroupant plus de 14 000 sociétés, 2 000 investisseurs et 1 500 structures d’accompagnement entre l’Europe et l’Afrique. Le Pass Africa, ce sont aussi des liens tissés directement avec les institutions.
Il est encore temps de postuler pour la saison 2 du Pass Africa. Les jeunes lauréats de MEET Africa pourront aussi être mentorés par les entrepreneurs du bassin africain.
Synthèse
Il reste du chemin à parcourir pour traduire en chiffres les ambitions d’égalité homme-femme en matière d’emploi, de responsabilités et d’entrepreneuriat. Les problématiques de chômage et d’insertion professionnelle affectent aujourd’hui en majorité les jeunes et les femmes, et si ces dernières osent de plus en plus souvent l’aventure entrepreneuriale, elles demeurent peu présentes dans les organes de décision. Il convient aujourd’hui de travailler sur différents axes, avec des programmes d’accompagnement spécifiques mais également par une sensibilisation plus large des sociétés pour faire évoluer les perceptions.