Interview Portrait de Fouad Khodja, fondateur et PDG de ICIA Technologies, lauréat du Prix Provence Africa Connect 2021
C’est l’un des deux gagnants du prix Provence Africa Connect 2021, Fouad Khodja de la société ICIA Technologies, a été récompensé lors de la seconde édition du concours pour son logiciel de recensement économique destiné aux chambres de commerces et d’industries en Afrique, CartoEco. Expert des transports, créateur des premiers logiciels de calcul d’itinéraire multimodaux en France et inventeur passionné, Fouad Khodja multiplie les idées pour valoriser les données de mobilité à travers des prismes aussi divers que le tourisme, l’environnement ou encore l’économie. Installée à Marseille, ICIA Technologies évolue également dans un certain nombre de pays africains comme le Maroc, la Mauritanie ou encore les Comores, incarnant ainsi parfaitement les valeurs du prix Provence Africa Connect, un prix initié par la Métropole Aix Marseille Provence et soutenu par la French Tech, Africalink et EMERGING Valley, qui récompense les entrepreneurs du territoire pour les liens économiques qu’ils entretiennent ou créent avec l’Afrique. Portrait de ce chef d’entreprise qui invente et réinvente notre manière d’utiliser une carte.
EMERGING Valley: Bonjour Fouad ! Ravis de vous retrouver après votre victoire lors du Prix Provence Africa Connect. Vous voulez bien vous présenter à nos lecteurs ?
Fouad Khodja : Bien sûr ! Je suis Fouad Kodja, fondateur et PDG de ICIA Technologies, une société spécialisée en mobilité, cartographie et optimisation des déplacements. Je suis ingénieur en génie civil et ingénieur informatique de formation. Je possède également un DEA de l’École Centrale et un Mastère en intelligence artificielle de l’école des Mines d’Alès. Après l’obtention de mon diplôme, je me suis lancé à mon compte en tant que consultant pour le ministère des Transports et de l’Équipement, où je travaillais dans les domaines des transports et de la cartographie. À cette époque j’ai créé mon premier calculateur d’itinéraire multimodal. Vous connaissez les logiciels comme Mappy ou Citymapper ? Et bien moi j’ai été le premier à en créer un en France. C’était en 1996 dans le cadre d’un projet européen qui s’appelait Alter Ego. Il permettait d’obtenir tous les moyens de transports disponibles pour se rendre d’une rue à une autre.
À la suite de ça, j’ai créé mon entreprise en 2001 grâce à la revente du logiciel à Veolia Transport. Comme je l’ai dit précédemment, ICIA Technologies fait exclusivement de la Recherche et du Développement dans les domaines de la mobilité, de la cartographie et de l’optimisation des déplacements. On développe des logiciels comme CartoEco, pour lequel nous avons remporté le prix Provence Africa Connect. C’est un outil cartographique qui permet aux acteurs institutionnels d’avoir une meilleure visibilité de l’activité économique de leur territoire. Dans le cas de l’Afrique, où la majorité des entrepreneurs évoluent dans le secteur informel, ce logiciel de suivi permet ainsi de valoriser leurs activités et de les accompagner dans leur développement.
Fin 2018, j’ai également créé une startup qui s’appelle Visitmoov. Il s’agit toujours de cartographie et d’optimisation de déplacement mais avec une composante touristique. Au début c’était une application, mais désormais c’est une API qui permet de générer des visites touristiques en fonction de certaines contraintes (temps, intérêts etc…). On a gagné un certain nombre de prix avec cette petite startup d’ailleurs, comme le challenge Ile de France Mobilité en 2021, le Prix PACA en 2020, et le Summit Tourist de Séville.
« On travaille sur des projets qui nous plaisent ! Depuis la création de l’entreprise en 2001, et malgré notre croissance, je participe toujours au développement des algorithmes avec mes équipes. »
Donc on n’a pas de quoi s’ennuyer chez ICIA Technologies ! Nous sommes une petite équipe de six personnes passionnées. Je travaille avec deux ingénieurs en recherche et Développement, dont l’un d’eux est spécialisé en Intelligence Artificielle, un business développer, et je fais appel de manière ponctuelle à des personnes extérieures.
EV : Pourriez-vous nous détailler les activités de ICIA Technologies et revenir en particulier sur votre solution CartoEco ?
FK : Nous avons trois spécialités. D’abord les logiciels liés à la mobilité qui permettent de créer une offre théorique à partir d’horaires, de trajets, de modes de transports disponibles et qui calculent les itinéraires de manière multimodale. Ensuite nous avons les logiciels de cartographie qui permettent de faire du recensement de données économiques par exemple, ou pour des systèmes de confirmation géographique (pour cartographier la qualité de l’air notamment). Et puis nous avons cet axe de recherche. On développe des algorithmes d’optimisation qui arrivent à conjuguer des contraintes données.
« Nous comptons parmi nos clients France Dev, Cityway, ou encore le conseil général de la Réunion. »
En ce qui concerne CartoEco, le projet est né il y a trois ans à la demande de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Marseille. Celle-ci cherchait à aider les CCI africaines à recenser leur patrimoine économique, et nous avons proposé notre logiciel. Ce qu’il faut savoir, c’est que contrairement à l’Hexagone où lorsqu’un entrepreneur créé sa boîte il est automatiquement rattaché à sa CCI, aucun processus similaire n’existe en Afrique. Les chambres de commerce n’ont pas de processus automatique pour recenser les entrepreneurs de leur région. Elles doivent consulter d’autres administrations, et généralement ce n’est pas informatisé ni proprement enregistré en raison de l’importance des activités informelles etc… Il fallait donc créer un outil convivial, facile d’utilisation. Avec CartoEco, l’enregistrement et le suivi d’une entreprise se fait en 3 clics et une photo. Cette compilation d’informations permet d’enrichir une base de données dans laquelle on peut faire des requêtes thématiques, qui permettent in fine de prendre des décisions. Par exemple, on peut savoir où et qui sont les entreprises qui polluent. À Tanger, CartoEco a ainsi permis d’apprendre que la pollution sonore venait du quartier des mécaniciens, et a entrainé leur relocalisation en dehors de la ville.
« CartoEco est un outil qui permet à la fois de recenser le patrimoine économique d’une région, d’aider à la prise de décisions mais aussi de fournir des informations fondamentales aux entrepreneurs voulant s’y implanter. »
EV : Parlez-moi un peu de la manière dont vous vous financez. Est-ce une source de contraintes ?
FK : Nous fonctionnons uniquement sur fonds propres. Nous sommes quatre associés et à ce jour, la société est tout à fait rentable. Cette situation nous convient bien, on aime cette idée de travailler entre nous. Un autre avantage dont nous bénéficions c’est que nous évoluons dans une niche, c’est-à-dire que nous n’avons pas de concurrence dans notre domaine.
« Nous sommes quatre associés et comptons conserver ce modèle de financement sur fonds propres. »
En revanche si nous décidons de nous exporter en Afrique de manière plus conséquente, il nous faudra revoir notre stratégie et envisager de faire rentrer des actionnaires, ou de faire appel à des financements de type Bpifrance. Pour ce qui est de la startup Visitmoov, la situation est légèrement différente et nous n’excluons pas la possibilité de recevoir des investissements extérieurs.
EV : Des projets pour la suite ?
FK : Nous souhaiterions relancer les projets que nous avions entamés en Afrique et qui ont dû être reportés en raison du Covid. Nous sommes déjà engagés sur le continent, notamment en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, au Cameroun, à Madagascar, aux Comores et sur l’Ile de la Réunion, mais nous comptions nous étendre en Côte d’Ivoire, au Togo et au Bénin. On espère pouvoir reprendre ces projets prochainement.
« Le covid a stoppé nos projets en Afrique, mais nous espérons les reprendre prochainement. »
Et nous continuons de travailler sur des logiciels toujours dans les secteurs de la mobilités, des systèmes d’informations multimodales et du tourisme.
EV : Un mot sur votre victoire au Prix Provence Africa Connect ?
FK : Je dirais « surprise » ! Nous avons postulé au concours sans vraiment espérer gagner, étant donné les très beaux projets qui concourraient à nos côtés. Alors à l’annonce des résultats, j’ai été très surpris.
« Cette victoire est une consécration de notre travail. »
Je suis toujours resté discret sur mes logiciels et l’utilisation qui en est faite, alors pour une fois, nous sommes sous le feu des projecteurs. Cette victoire nous apporte une très belle visibilité sur le territoire et en Afrique, mais aussi un gage de qualité. Il nous sera désormais plus facile d’aller sur le continent pour étendre notre marché en tant que lauréat du concours Provence Africa Connect.