Sous le haut patronage de

Monsieur Emmanuel Macron

Président de la République

Face aux nouveaux défis sanitaires, comment l’Europe peut s’inspirer de la révolution e-santé africaine ?

Mardi 14 décembre 2021 – 15h10 à 16h00 – Jour 2 – Plénière  4 – MODéré par samir abdelkrim fondateur d’emerging valley

Panélistes :

Emmanuelle CHARAFE JAUFFRET – Métropole Aix-Marseille Provence, Vice-Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence déléguée à la Santé, l’Enseignement Supérieur Recherche, la Recherche médicale et l’Économie de la Santé


Corinne OUATTARA – MCM, Directrice générale


Israel BIMPE – ZIPLINE, Directeur Africa go-to-market


Anicet AMANI – SkanMed, CEO


Youssef TRAVALY – Africa Europe Foundation, Senior Fellow for Digital


Samir ABDELKRIM – EMERGING Valley, Fondateur

Mise en contexte

Thématique hautement actuelle, la E-Santé fait de nouveau l’objet d’une plénière organisée en partenariat avec la Métropole Aix-Marseille-Provence. Alors que le territoire métropolitain ambitionne de devenir « la capitale française de la Healthtech », l’Afrique sort quant à elle renforcée de la pandémie de COVID-19 sur le secteur, légitimée par son agilité et par sa capacité à répondre aux besoins du terrain, et inspire désormais ses voisins. À titre d’exemple, Zipline, une startup installée au Rwanda et au Kenya qui livre des poches de sang et des médicaments par drones, a récemment été imitée par l’Hôpital privé de Provence, qui teste à son tour des livraisons innovantes par les airs. De Johannesburg à Tunis en passant par Dakar, tour d’horizon des healthtech africaines qui réinventent les systèmes de santé : l’occasion pour la Métropole Aix-Marseille de réfléchir aux meilleures façons d’accueillir et d’accompagner ces projets e-santé méditerranéen et africains sur son sol.

Les partenariats entre l’Afrique et l’Europe s’enrichissent des avantages des différents sites : ainsi Aix-Marseille Provence possède des atouts importants en termes d’écosystème de santé, avec des acteurs intégrés, des hôpitaux publics, des centres de recherche, des instituts de recherche importants et un territoire fertile. La coopération sanitaire, qui était déjà active sur le territoire, s’est développée avec la crise sanitaire.

Les pays africains sont des partenaires historiques dans le domaine de la santé : au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, 60 % des collaborations internationales se font avec l’Afrique. L’IHU a notamment ouvert un laboratoire à Dakar sur la question des maladies infectieuses dans les pays en voie de développement, tandis que beaucoup de programmes de l’IRD s’intéressent à l’Afrique. Cette antériorité permet un enrichissement mutuel. Le Territoire dispose d’atouts pour l’Afrique, mais l’Afrique a également beaucoup de choses à lui montrer, grâce à son dynamisme et son inventivité. De nombreuses initiatives se sont développées ces dernières années, avec d’importantes levées de fonds, des accélérateurs africains. Elles constituent des sources d’inspiration. C’est ainsi qu’une innovation issue du Rwanda, à savoir la livraison de poches de sang et de médicaments par drone, a inspiré l’Hôpital Privé de Provence.

Les exemples des startups africaines présentes à EMERGING Valley sont impressionnants. Ils témoignent d’un dynamisme fabuleux. L’e-santé est un domaine qui peut s’enrichir des expériences africaines et la valorisation s’effectue dans une approche gagnant-gagnant de co-construction, de co-expérimentation.

Les initiatives africaines sont source d’inspiration

« Les quatorze câbles sous-marins et la structuration de l’offre permettent à la métropole d’être un hub en matière sanitaire, l’interface entre l’Afrique et l’Europe. »


E. Charafe Jauffret

La pandémie Covid-19 a mis en exergue la nécessité de se concentrer sur la prévention

La Fondation Afrique/Europe est une plateforme de plateformes, donc un réseau de multiples partenaires avec plusieurs instruments ou plusieurs leviers d’action. Elle compte notamment un groupe de personnalités-clefs, un réseau de femmes leaders et cinq groupes de réflexion stratégique, dont un sur la santé.

La Fondation compte aujourd’hui trois axes prioritaires : le financement de la santé et notamment la production de vaccins en Afrique ; l’intelligence artificielle et les technologies émergentes dans le domaine de la santé et enfin le lien entre la santé et les enjeux climatiques, attendu que les conséquences de ces derniers auront des impacts sur la santé.

La pandémie Covid-19 a mis en exergue la nécessité de se concentrer sur la prévention. Celle-ci doit être un axe prioritaire, surtout en Europe qui a mis l’accent par le passé sur le volet curatif. L’intelligence artificielle et les technologies émergentes vont jouer un rôle majeur dans la prévention, par exemple pour les maladies chroniques. Un premier pré-requis : la production de vaccins doit être localisée dans les pays africains, ce qui suppose de développer tout un écosystème.

Pour passer aux constats ensuite, en Afrique, les systèmes de santé sont pyramidaux. L’accès aux données aussi bien verticalement qu’horizontalement constitue une problématique. Le continent pourrait ainsi s’inspirer de la base européenne de données pour la santé, qui permet de collecter et de traiter les informations, pour la prévention, mais aussi pour la recherche. Un Observatoire du capital humain dans le secteur de la santé pourrait également être mis en place, afin de développer un capital humain à l’intersection entre la santé pure et les technologies digitales.

Il convient enfin de définir un cadre, qui va permettre la montée en puissance des innovations. Ce cadre doit notamment porter sur : l’éthique et la gouvernance ; le traitement des données pour assurer leur interopérabilité et leur protection ; l’inclusion digitale : le financement des systèmes de santé et in fine le cadre politique, qui n’est pas assez développé aujourd’hui.

« L’innovation circulaire entre deux continents, sur le modèle des startups présentes à EMERGING Valley, s’avère extrêmement intéressante, permettant de faire circuler le savoir, les compétences, les technologies et les financements. »

 

 

 

Y. Travaly

 

Zipline constitue une grande fierté pour l’Afrique. Cette startup, née il y a quatre ans au Rwanda, vise à se développer sur tout le continent et illustre bien les grandes capacités d’innovation de l’Afrique. La pépite se situe en effet au cœur de deux industries : la santé et la technologie. Lorsque Zipline a commencé à livrer du sang au Rwanda, il lui a fallu deux ans pour étendre son activité. Ils sont aujourd’hui le premier fournisseur de sang dans le pays, le fournissant à hauteur de 80 %. Le gouvernement a voulu étendre le concept, et d’autres pays ont suivi l’exemple. Avec la pandémie, beaucoup de personnes ont considéré que la solution devait se généraliser et en mai 2020, il a été transposé en Caroline du Nord, aux États-Unis.

La crise sanitaire a montré l’intérêt de garantir une fourniture rapide des médicaments, des traitements et les livraisons par drones ont été nombreuses depuis le début de la pandémie. Zipline a ainsi les capacités de distribuer des vaccins dans tous les pays, sans oublier personne et transforme aussi la façon dont les personnes conçoivent la mobilité.

Le fait que l’Hôpital Privé de Provence développe des livraisons par drones est très enthousiasmant, et un partenariat pourrait être envisagé. Il est important d’assurer un accès équitable à tous les produits de santé, ce que permettent les technologies d’avenir.

Livraisons de sang et de médicaments par drones

« Le concept a été mis en œuvre par des africains, avec des jeunes talents qui visent à répondre aux problématiques locales et à promouvoir les produits auprès des communautés. Nous sommes fiers de ce que nous sommes parvenus à faire. D’autres peuvent apprendre du continent africain. »

 

 

I. Bimpe

 

Pour passer aux constats ensuite, en Afrique, les systèmes de santé sont pyramidaux. L’accès aux données aussi bien verticalement qu’horizontalement constitue une problématique. Le continent pourrait ainsi s’inspirer de la base européenne de données pour la santé, qui permet de collecter et de traiter les informations, pour la prévention, mais aussi pour la recherche. Un Observatoire du capital humain dans le secteur de la santé pourrait également être mis en place, afin de développer un capital humain à l’intersection entre la santé pure et les technologies digitales.

Il convient enfin de définir un cadre, qui va permettre la montée en puissance des innovations. Ce cadre doit notamment porter sur : l’éthique et la gouvernance ; le traitement des données pour assurer leur interopérabilité et leur protection ; l’inclusion digitale : le financement des systèmes de santé et in fine le cadre politique, qui n’est pas assez développé aujourd’hui.

Pass santé Mousso sauve des vies grâce à la digitalisation des données de santé

Il s’applique à tout le monde, notamment aux personnes qui souffrent de maladies chroniques, avec un focus sur la mère et l’enfant. En Afrique, 70 % des décès aux urgences sont dus à une erreur médicale. Il s’agit de la troisième cause de décès, après les AVC et les cancers. Le pass santé permet ainsi d’augmenter la sécurité du patient, notamment dans un contexte de crise sanitaire puisque la Covid-19 a contribué à prouver la nécessité de digitaliser le dossier patient, pour bénéficier d’une consultation à distance.

Depuis 2019, le Pass santé Mousso fait l’objet d’une convention avec le ministère de la Santé de la Côte d’Ivoire. La protection des données est vérifiée de près. Un partenariat avec La Poste nationale va favoriser le déploiement sur tout le territoire, grâce aux 200 bureaux de Poste, favorisant la télésanté

« Pass santé Mousso est une plateforme web et mobile regroupant les données de santé associées à un support individuel, qui peut être un bracelet ou un médaillon. »

C. Ouattara

 

SkanMed, permettre l’accès de tous à la médecine spécialisée

SkanMed développe une plateforme de télémédecine et de téléconsultation médicale. Initialement, l’objectif était de permettre à tous les habitants de Côte d’Ivoire, notamment ceux qui vivent dans des zones reculées du pays, d’accéder à des médecins spécialisés.

En Côte d’Ivoire comme dans la majorité des pays africains, le système de santé est pyramidal : les centres de santé de premier contact, qui représentent plus de 90 % des centres de santé, ne sont animés que par des infirmiers. En dehors d’Abidjan, même l’accès aux médecins généralistes s’avère compliqué.

Un partenariat avec l’Institut de cardiologie d’Abidjan, le plus grand institut de cardiologie de l’Afrique de l’Ouest, apporte la cardiologie à des patients situés à 800 kilomètres d’Abidjan.

« SkanMed déploie, dans les centres de santé de premier contact, des plateformes permettant de contacter un médecin à distance, généraliste ou spécialiste. »

A. Amani

 

CAP SUR LE SOMMET EUROPE-AFRIQUE : QUELLES RECOMMANDATIONS ?

Corinne OUATTARA
« Il va falloir collaborer pour pouvoir co-créer et mettre en place un système d’e-santé véritablement efficace. Des solutions fonctionnent en Afrique, elles pourraient fonctionner en Europe. Il est important que la collaboration puisse se faire avec des startups des deux continents. »

Anicet AMANI
« La collaboration médicale est essentielle. Les médecins africains ne sont pas assez nombreux, et ils ne sont pas toujours assez bien formés. Il faudrait que les médecins africains puissent échanger, grâce à la téléconsultation, avec des confrères français plus qualifiés pour traiter des problèmes graves, avant de faire voyager les patients. »


Youssef TRAVALY
« Il faut mettre en place un observatoire des compétences dans le domaine de l’e-santé, un secteur qui évolue énormément et qui a besoin de compétences à tous les niveaux : médical, mais aussi dans les autres domaines. »

Israel BIMPE
« Il convient de favoriser la coopération entre l’Afrique et l’Europe. Nous devons échanger des talents, échanger des capitaux et des informations. Je recommande de créer de bonnes bases avec une infrastructure commune qui permette de poser des ponts entre les deux continents. »

Emmanuelle CHARAFE JAUFFRET
« La construction de l’e-santé est la clef. Peu importe où se trouvent les compétences, puisque le numérique permet ce rapprochement. Il est plus simple de faire voyager les compétences et les données patients, de façon sécurisée, plutôt que de faire voyager les patients. »

Synthèse

La révolution e-santé est en cours, portée par les startups africaines comme européennes et accélérée par la crise sanitaire de Covid-19. Livrer des médicaments par drone, disposer de son dossier patient directement sur soi via un accessoire digital, bénéficier d’une consultation avec un spécialiste situé à des milliers de kilomètres du patient est aujourd’hui techniquement possible, et ce grâce au digital. La coopération doit s’accélérer pour favoriser le déploiement et la circulation de ces innovations, profitables des deux côtés de la Méditerranée, pour le bénéfice des populations et en premier lieu des populations rurales africaines et européennes.

à retenir

En Afrique, les systèmes de santé sont pyramidaux à l’exemple de la Côte d’Ivoire, où les centres de santé de premier contact (90 % des infrastructures), ne sont animés que par des infirmiers. SkanMed déploie dans ces centres des plateformes de téléconsultation.
L’application Pass santé Mousso permet d’avoir toujours sur soi et de manière digitalisée ses données de santé, dans un bracelet ou un médaillon.
La pandémie Covid-19 a mis en évidence la pertinence des solutions digitales de santé, tout comme la nécessité de se concentrer sur la prévention.
Zipline permet de livrer des poches de sang ou des médicaments, par drone, dans tout le Rwanda et à présent au Ghana. L’Hôpital Privé de Provence à Aix-en-Provence s’inspire de cette expérience.

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