À l’occasion du sommet mondial WSA, Philippine Leclerc est allée à la rencontre de Start-Up Chile by Corfo, le premier accélérateur public du Chili. Avec plus de 3000 startups dans son portfolio, ses 3 programmes d’accompagnement, et son large réseau de partenaires locaux et internationaux, le tech hub génère un impact sur la société considérable. Rencontre avec Javiera Araneda de La Sotta, Deputy Chief Executive Officer de Startup Chile.
Les origines de Start-Up Chile
Start-Up Chile est né à la suite du tremblement de terre de 2010. Cet événement, très éprouvant pour le pays, a poussé le gouvernement à prendre un certain nombre de mesures pour faire face à la crise. Il a alors décidé d’investir massivement dans l’innovation et les entrepreneurs. C’est ainsi qu’est né Start-Up Chile, un programme d’attraction des talents destiné à soutenir les entrepreneurs du Chili, mais aussi de l’étranger qui souhaitent développer leurs startups depuis le Chili avec des partenaires locaux. Les premiers objectifs de cette initiative étaient de générer un changement dans l’état d’esprit des entrepreneurs et de dynamiser l’écosystème.
“Nous avons rassemblé ces entrepreneurs, et leur avons donné des fonds propres et d’autres outils de soutien à leur projet. L’idée étant qu’ils participent à des webinaires, à des conférences, qu’ils se déplacent dans les universités pour partager leurs histoires, les méthodologies et les technologies qu’ils développaient.”
Start-Up Chile est une initiative de Corfo, l’entité nationale qui vise à stimuler l’innovation dans le pays et qui dépend directement du ministère de l’économie. Il s’agit d’un organisme 100 % public.
En 2015, l’écosystème chilien a connu une vague de renouveau. Grâce à des initiatives telles que Start-Up Chile et Corfo, mais aussi grâce à l’apparition de sociétés de capital-risque, des mentors et des réseaux, l’écosytème a changé en profondeur. Les entrepreneurs ont commencé à avoir des idées liées aux technologies et le Chili a alors changé de vitesse en termes d’objectifs qu’il voulait atteindre. C’est à ce moment-là que Stat-Up Chile est officiellement devenu un programme d’accélération pour avoir un impact économique et social à travers une culture entrepreneuriale et ses entrepreneurs eux-mêmes. Start-Up Chile a ainsi contribué à positionner le Chili comme une plaque tournante de l’innovation et de l’esprit d’entreprise en Amérique latine.
L’écosystème chilien
Avec sa nouvelle stratégie, le Chili a réussi à se positionner comme LA porte d’entrée de l’Amérique latine. Aujourd’hui, même si la Colombie et l’Uruguay sont des compétiteurs sérieux à ce titre, le Chili bénéficie toujours de certains éléments particulièrement attrayants, comme sa stabilité politique. Son gouvernement est très favorable aux entrepreneurs en termes de financement, par le biais de fonds directs accordés aux entrepreneurs qui démarrent une entreprise, mais aussi en termes de législation. L’exemple de l’initiative « Tu empresa en un dia » en est la parfaite illustration. N’importe qui peut créer son entreprise en un jour sans l’aide d’un avocat. Cela a permis de rendre le processus facile, rapide et économique. Le Chili bénéficie également de sa petite taille qui en fait une zone parfaite pour des essais pilotes, surtout pour les B2C, mais aussi les B2B. Le Chili compte également sur ces universités très solides, non seulement à Santiago mais dans tout le pays.
“Nous manquons encore de talents tech, mais les programmes d’études commencent à s’adapter et à en proposer. Le gouvernement encourage également nos jeunes à acquérir une expérience à l’étranger (masters, doctorats) à travers des systèmes de bourses.”
Le Chili reste une excellente porte d’entrée pour les étrangers qui souhaitent exporter leur business en Amérique Latine grâce à un Visa particulier, mais aussi grâce à sa maîtrise généralisée de l’anglais. Pour les étrangers qui y arrivent, c’est l’endroit idéal pour commencer à apprendre l’espagnol. Ils peuvent également bénéficier des connexions avec les écosystèmes des pays voisins.
En termes de structures d’accompagnement, Start-Up Chili est le seul accélérateur public du pays. Il existe en revanche de nombreuses initiatives privées, par exemple, Mujeres impresarios, Magical startups, Imagine Lab (Microsoft)…
Les programmes d’accompagnement proposés par Start-Up Chile
Il existe aujourd’hui trois programmes d’accélération adaptés au stade de développement des startups, tous gratuits et dispensés en anglais :
- Build est destiné aux startups à un stade précoce, qui ont validé un minimum leur produit, et qui sont âgées de moins d’1 an. Le programme est d’une durée de 4 mois
- Ignite est destiné aux startups qui ont au moins un MVP, qui comptent des clients, et qui ont jusqu’à 3 ans d’existence. Ce programme dure également 4 mois
- Growth : la startup doit avoir réalisé au moins 100 000 dollars de chiffre d’affaires l’année précédente, et au maximum 1 million de dollars (la moyenne est de 350 000 dollars). Ce programme dure 8 mois.
Quel que soit le programme suivi, les startups reçoivent de l’equity free funds. Pour Build c’est 18 000 dollars, Ignite 33 000 dollars, et Growth 80 000 dollars. Elles ne sont pas obligées de les rendre, seulement de justifier l’usage de ces fonds dans leur projet.
Chaque programme est composé d’activités de pair à pair, de formations, de temps communauté, de formation au pitch, et de mise en lien avec des réseaux.
“En tant qu’accélérateur public, Startup Chili a la capacité de les mettre en contact avec de nombreuses personnes comme des mentors, des entreprises mais aussi des VCs, des business angels, des banques, et l’écosystème local en général; ce qui est très important pour la validation précoce, et les opportunités commerciales.”
Pour les startups étrangères, Start-Up Chile leur propose un programme de soft landing qui les aide dans toutes les démarches administratives à leur arrivée ( obtenir leur visa de travail de 2 ans, régulariser leur état civil, ouvrir leur compte bancaire… ). Celles-ci doivent justifier de leur volonté de s’installer au Chili et de mobiliser des partenaires locaux dans le développement de leur projet.
« Nous créons un impact à travers les startups que nous accompagnons. Au début, c’était un pari risqué que d’investir de l’argent public dans des startups, dont certaines sont étrangères. C’est pourquoi nous veillons à ce qu’elles aient un impact sur le sol chilien. »
Tous les ans et demi, Start-Up Chile recueille des données sur le nombre d’emplois créés par ses startups, sur les fonds qu’elles ont levés, sur leur chiffre d’affaires… Sa dernière enquête auprès de ses alumnis lui a appris que ces derniers avaient payé 1,4 fois en impôts ce que le gouvernement avait investi dans Start-Up Chile. Cela prouve la durabilité de cette politique d’accompagnement.
Recrutement et profile des startups
Les startups qui composent le portfolio de l’accélérateur doivent avoir un projet basé sur la technologie, elles doivent être innovantes et intéressées à se développer au Chili. 3 000 startups ont suivi les programmes au cours de ces 14 années, et ce sont entre 120 et 180 startups qui suivent les programmes chaque semestre. Elles les rejoignent par le biais d’un processus de candidature très strict : il s’agit d’un formulaire en ligne, d’une vidéo de présentation de 90 secondes, d’un examen du formulaire, puis d’un entretien. L’examen final est effectué par un comité composé de représentants de Corfo et d’autres parties prenantes.
“Nous sommes indifférents aux nationalités et aux secteurs d’activité. C’est pourquoi nos réseaux sont si importants.”
L’accent mis sur l’accompagnement des fondatrices
Start-Up Chili s’illustre par son approche genrée de son offre d’accompagnement. Conscient des défis rencontrés par les femmes entrepreneurs, une stratégie particulière a été mise en place au fil des années. En 2020, celle-ci a pris la forme d’un programme transversal appelé Female Founder Factory qui s’adresse à toutes les fondatrices, quel que soit le stade de développement de leur entreprise. La FFF a deux objectifs : 1) mettre en valeur le talent des femmes entrepreneurs qui innovent dans la technologie, promouvoir des role models et des figures inspirantes 2) mettre en évidence les écarts qui subsistent entre les hommes et les femmes, et créer une communauté entre les femmes. En termes d’actions, Start-Up Chili a adapté l’allocation de l’equity free funds de ces programmes. Étant donné que les entrepreneurs doivent cofinancer une partie de cette subvention et qu’il est difficile pour les femmes de lever des capitaux, le pourcentage de cofinancement n’est pas le même pour les hommes et les femmes : dans Ignite, le cofinancement est de 20 % pour les hommes et de 10 % pour les femmes. Dans Growth, 50 % pour les hommes et 40 % pour les femmes. Dans le cadre du programme Build, ils utilisent des quotas : 50 % des startups recrutées doivent être portées par une fondatrice. En ce qui concerne le mentorat, un board of directors de 3 directeurs est assigné par startup. Pour les fondatrices, l’un d’entre eux doit être une femme.
Un exemple de success story qui est passé par Startup Chile est Lab4You, fondé par une femme chilienne, qui utilise les capteurs des smartphones pour les transformer en minuscules laboratoires. Cela permet de renforcer la formation aux STEM dans les écoles en réduisant les coûts des équipements. Elle est la startup qui a levé le plus de fonds pour une femme fondatrice.
Connexion avec le reste du monde
Avec 65% de son portefeuille constitué de startups étrangères, Start-Up Chili peut compter sur son vaste réseau d’alumni pour recruter à l’international. Dans le cas des startups africaines accompagnées, la majorité d’entre elles proviennent de recommandations et du bouche à oreilles.
Start-Up Chili est également membre de plusieurs programmes européens destinés aux tech hubs. L’un d’entre eux met en relation les entreprises européennes qui s’intéressent aux start-ups d’Amérique latine avec des structures d’accompagnement locales, et un autre met en lien les tech hubs d’Europe et d’Amérique Latine.
“Pro Chile, une entité gouvernementale qui vise à exporter les talents chiliens à l’étranger, a des bureaux dans le monde entier et nous aide dans notre stratégie internationale.”