Co-construire et proposer les nouveaux paradigmes de la Ville Durable dans l’espace EURO-MED-AFRIQUE
Plénière en partenariat avec l’EPA Euroméditerranée
5 Décembre – Jour 2 – Plénière 4 – Auditorium, thecamp – 11h40 – 12h50
Modération par Paul Molga – Journaliste Les Echos
Panélistes :
- Hugues PARANT – Directeur Général d’Euroméditerranée – France
- Claude BORNA – CEO de SEME CITY – Bénin
- Valérie-Noëlle KODJO DIOP– Directrice Innovation & RSE Afrique, Méditerranée et Outre-Mer du groupe Société Générale – France
- Sami AGLI – Président du FORUM des Chefs d’Entreprises – Algérie
- Souad EL OUAZZANI – Senior Partner Deloitte Africa – France
Mise en contexte
En 2020 se tiendra à Bordeaux le Sommet Afrique-France 2020, organisé sur le thème de la Ville et des territoires durables : « Changer les villes et territoires pour changer la vie ». Rendez-vous politique, économique et culturel, il associera les 54 Chefs d’États du Continent et acteurs publics aux entreprises et entrepreneurs des deux rives de la Méditerranée pour une réflexion collective sur la ville de demain. Face à la raréfaction des ressources, à l’urgence environnementale et à la poussée démographique, comment gérer la ville d’aujourd’hui et du futur pour des réseaux toujours plus efficients, transparents et inclusifs ? C’est de surcroit dans un contexte dense de soulèvements sociaux et de populations qui ne tolèrent plus les déficiences de gouvernance et l’absence de progrès social, que doivent aujourd’hui se concevoir ces enjeux. La classe moyenne africaine a triplé en 30 ans, et un homme sur quatre vivra sur le Continent en 2050, majoritairement au sein d’immenses métropoles aujourd’hui en expansion. L’Afrique est riche d’une population jeune, dont plus de la moitié a moins de 25 ans et est acquise aux usages technologiques, qui cherche à disrupter des services publics auxquels elle n’a souvent jamais eut accès. C’est aujourd’hui par eux qu’est porté l’espoir de réinventer les villes africaines de demain, face au développement urbain intensif attendu dans les années à venir. Ces nouveaux services à la personne, produits innovants et manières de repenser la ville en Afrique sont porteurs de solutions fortes et riches dont la synergie avec les territoires européens est à encourager, pour un développement réciproque des deux rives de la Méditerranée. Ouvrons donc le débat sur l’immense vivier de réflexions communes, sur les opportunités de coopération entre nos deux continents et sur les solutions à développer pour aller vers une ville et des territoires durables, où le numérique servira l’inclusion et le progrès social.
prise de parole
Mettre la Tech au service de la ville durable pour un plus large accès, à moindre cout
C’est Hugues PARANT, Directeur Général d’Euroméditerranée, qui a introduit le débat en précisant l’approche de son Établissement auprès d’EMERGING Valley : partenaires depuis la 1èreédition, EV a vraiment été l’occasion d’une prise de conscience que l’intégration massive de la Tech était sans doute l’une des solutions pour Marseille, la Méditerranée et la ville durable africaine. M. Parant poursuit ce constat en ajoutant qu’en Afrique, cette dynamique doit être portée par des porteurs de projet africains, pour que la valeur reste en Afrique. Pour accomplir la vision de la smartcity, la tech est nécessaire pour apporter plus de service, à plus de gens qui puissent y accéder, et à un cout plus abordable.
« EMERGING Valley a vraiment été pour nous l’occasion de prendre conscience que l’intégration massive de la Tech était sans doute l’une des solutions pour Marseille, la Méditerranée et la ville durable africaine »
H. Parant
Focus : le Prix Med’Innovant Africa
Le concours MED’INNOVANT AFRICA, organisé par l’EPA Euroméditerranée, vise à repérer et accompagner des porteurs de projets (start-up, TPE, PME) qui développent des solutions innovantes pour la ville durable Méditerranéenne et Africaine. Le concours est ouvert à des porteurs de projets africains (startups, petite et moyenne entreprises), dont les lauréats bénéficieront d’un « welcome pack » avec la possibilité de pitcher, d’être accompagné, de gagner en visibilité et de décrocher le Prix du Jury, doté de 5.000 €.
Rassembler Écoles, Centre de recherche et Incubateur pour construire la ville intelligente
Claude BORNA détaille ensuite le constat qui a décidé la création de SEME CITY, dont elle est CEO : l’objectif était de regrouper tout le monde pour accélérer les initiatives sur l’innovation et passer à l’échelle pour avoir un impact économique. La Cité de l’innovation béninoise rassemble ainsi quatre partenaires qui sont l’Africa Design School, Epitech Bénin, les chercheurs du CEA et un incubateur développé par PWC. On se positionne comme un laboratoire à ciel ouvert, mais nous sommes conscients que monter des solutions innovantes en Afrique aujourd’hui est difficile, qu’il nous faut démontrer et donc nous appelons tous les acteurs pour venir construire avec nous une cité qui a un sens. C’est l’État béninois qui catalyse Sème city, nous sommes sur le démarrage de la construction d’un premier éco-quartier, en grande partie financée par l’État béninois mais on fait appel également à des partenaires financiers tels que la Banque Mondiale, le Pnud et des partenaires privés tels que la Société Générale. Mme. Borna précise que le pari était de rassembler ces acteurs pour accélérer les projets et construire une ville intelligente. Ils ont ainsi recréé un village africain, qui accueille déjà des concours d’innovation et dont 6 projets seront expérimentés dès janvier sur les énergies renouvelables, la biomasse, la mobilité ou encore le recyclage. L’innovation est l’affaire de tout le monde.
« L’objectif de Sème City est de regrouper tout le monde, de faire des co-expérimentations, et nous avons donc recréé un village africain où chacun a son rôle à jouer : habitat, grenier énergétique, valorisation des déchets, tiers lieux pour la jeunesse, villa de l’innovation.. »
C. Borna
Repenser la Banque via les réseaux alternatifs de distribution sur le territoire
La Société Générale est l’un des partenaires du projet SEME CITY, et Valérie-Noëlle KODJO DIOP, Directrice Innovation & RSE Afrique, Méditerranée et Outre-Mer du groupe précise que c’est un accompagnement financier et opérationnel avec tutorat et mentoring. Plus qu’un rôle d’accompagnateur, la Société Générale s’investit pour élargir son accès aux populations non-bancarisées, dans un contexte d’assaut des Banques par les sociétés innovantes. De nombreuses initiatives ont ainsi été développées telles que Yup sur le mobile Money, un Hackathon agritech et déchet à Casablanca et un 2d Hacktahon sur le parcours des métiers informels : ils poussent la Banque à se réinventer, pour réinvestir et donner du sens. Mme. Kodjo-Diop explique que c’est notamment en capitalisant sur les réseaux de distribution alternatifs – poste, petites échoppes – en partenariat avec le Fonds mondial et la FAO, que le Groupe compte développer un maillage en profondeur, sur les territoires.
Créer les cadres propices d’investissement pour mobiliser les financements nécessaires
En partant de l’Étude sur les infrastructures publiée par le Global Infrastructure Hub, Souad EL OUAZZANI, Senior Partner chez Deloitte Africa, vient préciser les enjeux de la ville africaine, qui absorbera 70% de la croissance démographique à venir. Elle rappelle ainsi que 2 400 milliards $ d’investissement sont nécessaires, pour les seules 10 villes africaines concernées par l’étude, dont uniquement 1 400 milliards $ ont été identifiés à ce jour. Il est donc nécessaire à ses yeux de créer le cadre propice d’investissement, puis de dialoguer et co-construire avec les différentes organisations internationales. Son cabinet accompagne ainsi les bailleurs dans la définition et la mise en œuvre de ces programmes, comme c’est cas pour SEME CITY.
« 2 400 milliards $ d’investissement sont nécessaires pour construire les infrastructures de 10 des villes du Continent, dont 1 000 milliards $ restent à trouver »
S. El Ouazzani
Partir des acquis de chaque pays et considérer le besoin d’investissement comme une opportunité
Le Président du Forum des Chefs d’Entreprises d’Algérie, Sami AGLI, alerte sur le fait que les solutions ne sont pas globales, et que chaque pays a ses particularités. Il donne lui aussi les chiffres du débat, avec une population urbaine passée de 250 à 500 M entre 1995 et 2015, tandis que 2/3 des infrastructures sont à construire. Il appuie ainsi le constat de Souad EL OUAZZANI, en affirmant que l’investissement à trouver est énorme, mais qu’il constitue également une très grande opportunité : 150 000km de fibre optique et 160 000km de réseaux routiers ont ainsi été érigés ces dernières années en Algérie. Selon M. Agli, chaque pays doit ainsi partir de ses acquis et s’adapter par rapport à ce qu’il a, en accompagnant ses acteurs locaux, de l’agriculteur au plus grand chef d’entreprise, pour créer de la valeur sur place.
« Chaque pays a ses particularités et doit partir de ses acquis en accompagnant ses acteurs locaux, car les solutions ne seront pas globales »
S. Agli
Collaborer et s’inspirer des autres pour apprendre de leurs expériences
Claude BORNA valide cette conviction autour des solutions locales, en expliquant qu’une maquette très chère venant de Singapour leur a été proposée pour SEME CITY, à laquelle ils ont préféré des solutions 100% adaptées à leur environnement, en créant des industries locales pour cela. Cela implique de travailler avec des startups locales, sans track-record, pour développer des talents locaux et leur permettre de se tromper. On crée ainsi un nouveau marché, et on permet un passage à l’échelle car tout seul on ne peut y arriver, il faut une pluridisciplinarité.
L’importance de travailler ensemble et de collaborer pour des solutions locales est un avis partagé par Valérie-Noëlle KODJO DIOP, qui précise que dans leur programme d’accompagnement des startups door-to-door, certains composants sont gérés en propre par les équipes Société Générale, quand d’autres sont confiés à des partenaires comme Bond’Innov. De même, Sami AGLI décrit les commissions thématiques créés par le Forum des Chefs d’entreprises algérien : l’acteur économique y est mis au centre, pour partager ensemble sur les jeunes entrepreneurs ou les femmes et l’entrepreneuriat par exemple.
« Accepter de travailler avec des startups locales sans track-record, pour développer les talents locaux et leur permettre de se tromper »
C. Borna
Hugues PARANT confirme l’idée qu’il n’y a pas de modèle universel, ni de réflexion globale sur l’aménagement des villes, et qu’il faut traiter différemment chaque réalité, comme c’est le cas pour Marseille et le reste du territoire français. La collaboration et les échanges permettent selon lui de s’inspirer des autres et de se servir mutuellement. Souad EL OUAZZANI poursuit en affirmant que face aux défis climatique, les villes doivent montrer de la résistance et peuvent donc s’inspirer des startups et de leur agilité. M. PARANT conclue en attirant le regard sur le changement de comportement de nos sociétés, vers le post-industriel : c’est cela qu’il faut prendre en compte, en associant smart-thinking – la planification et smart-doing – l’exécution.
« C’est le changement de comportement de nos sociétés, qu’il faut prendre en compte, un changement vers le post ‘post-industriel’ avec l’exemple de la voiture, qui va disparaitre des cœurs de ville »
h.parant
synthèse
L’intégration à grande échelle de la Tech est nécessaire pour permettre plus de service et plus d’accès à moindre coût, afin de construire la ville durable africaine et méditerranéenne. Afin d’accélérer ce processus, il faut regrouper les porteurs d’innovation et travailler au niveau local et selon la logique des territoires. Si le besoin de financement est considérable, il représente aussi une opportunité de travailler avec les entreprises locales à des solutions qui aient du sens sur le terrain. C’est l’une des définitions de la Smartcity, où chaque acteur est ainsi appelé à se réinventer pour mieux penser la ville et réaliser ses projets, en collaboration avec un maillage d’acteurs du territoire.