Retour sur une journée de débats et d’idées pour mettre l’innovation africaine sur la table des discussions du prochain Sommet UE-UA
Placé sous le haut patronage du Président de la République Emmanuel Macron, le Sommet international EMERGING Valley s’est tenu mardi 14 décembre. Cette journée riche et inspirante a permis d’identifier des leviers pour renforcer la collaboration économique et technologique et créer des synergies entre l’Europe et l’Afrique au service des populations, de la biodiversité, des territoires et du financement de l’innovation. Ceux-ci seront synthétisés dans un plaidoyer en vue du prochain Sommet entre l’Union Européenne et l’Union Africaine en 2022.
Une participation massive, preuve de la légitimité d’un tel évènement
Organisé en format hybride en raison du contexte sanitaire (et avec une jauge de participants présentiel au Palais du Pharo de Marseille, limitée à 30%) EMERGING Valley a réussi à mobiliser une très grand nombre d’acteurs privés et publiques de l’innovation africaine : de très nombreux ministres africains, français, représentants de l’Union Européenne, investisseurs internationaux, startups ont largement répondu favorablement pour débattre et réfléchir ensemble.
Pour preuve, les premiers chiffres disponibles au lendemain de cette 5ème édition :
- 2 000 participants sur deux jours, dont 415 en présentiel
- 193 speakers
- 115 startups
- 41 médias
- Plus de 50 tech hubs et investisseurs internationaux
- 4 stages
- + 61 sessions dont des plénières de haut niveau, conférences, ateliers d'intelligence collective, labs et sessions de pitch
- 14 310 minutes consommées en seulement 3 jours
Comme indiqué, 54 conférences, ateliers et débats ont été proposés des thématiques au coeur de l’ADN de cet évènement : la biodiversité, l’entrepreneuriat féminin, les économies sociales et solidaires, l’éducation, la santé, les villes durables, la mobilité, les industries culturelles et créatives ou encore le financement de l’innovation. L’engagement du territoire Aix-Marseille-Provence dans les coopérations entre l’Europe et l’Afrique a également été abordé.
« EMERGING Valley veut faire de Marseille cette fusion entre deux continents jumeaux : l’Europe et l’Afrique ». C’est avec ces mots de Samir ABDELKRIM, fondateur d’EMERGING Valley et maître de cérémonie, que débute la 5ème édition d’EMERGING Valley.
« Je suis très fière que Marseille soit ce lieu des possibles où se rencontrent désormais chaque année la jeunesse africaine innovante, bouillonnante et créative, et des partenaires prêts à l’accompagner dans son aventure entrepreneuriale », s’enthousiasme Michèle RUBIROLA, Première Adjointe au Maire de Marseille avant de poursuivre : « L’ère des clichés réducteurs sur l’Afrique est révolue et l’heure est à l’Afrique moderne et connectée ».
« Notre territoire s’affirme comme une plateforme incontournable entre l’Europe et l’Afrique », poursuit Didier PARAKIAN- 8e vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence, Délégué aux Fonds européens, aux Relations avec les institutions européennes.
« EMERGING Valley constitue une formidable passerelle pour connecter les leaders de la Tech africaine avec l’écosystème du territoire », commente Laure-Agnès CARADEC, Présidente du conseil d’administration de l’EPA Euroméditerranée.
« La relation entre l’Afrique et l’Europe est essentielle et Marseille, passerelle entre les deux continents, illustre l’importance de cette relation », conclut Franck RIESTER, Ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité.
Le ton est ainsi donné durant cette première session d’ouverture : Marseille est le trait d’union entre les deux continents et EMERGING Valley en est la plateforme.
A ensuite était débattu : L’innovation au cœur de la transformation de la relation Afrique Europe : quel plaidoyer pour le sommet Europe Afrique 2022, sous Présidence française de l’UE. À l’heure où l’Afrique comme l’Europe semblent sortir des affres de la crise de COVID-19, il est temps de jeter de nouvelles bases pour les relations entre nos deux continents. Les décideurs de la tech Europe-Afrique prennent position : le digital est l’une des priorités du partenariat Afrique-Europe. Un partenariat « d’égal à égal pour affronter la croissance démographique de l’Afrique » précise Roger ADOM, Ministre de l’Economie Numérique des Télécommunications et de l’Innovation de la Côte d’Ivoire. « La dernière saison Africa a été très bouleversée mais les événements ont été maintenus, montrant la créativité du continent africain dans le domaine des arts, de la tech, de l’économie et suivie par près de 4 millions de personnes » explique Erol Ok.
« Le travail mené est difficile mais fructueux » insiste Maria Christina RUSSO, Directrice de la coopération internationale en recherche et innovation de la Commission Européenne, « soutenu par une action transversale pour aider à développer 45 projets financés dans les mois à venir. Les partenariats en matière d’innovation sont mis en évidence dans les messages politiques et les agendas des prochains sommets. »
« Il faut faire confiance aux sociétés civiles qui sont capables d’une dynamique qui va vers l’autonomisation des jeunesses, la professionnalisation et la collaboration des acteurs africains et européens! » L’Afrique est un écosystème inspirant, rappelle Zeineb MESSAOUD, Directrice de The Dot, où les femmes ont leur place.
La question de l’émergence des licornes africaines a aussi été abordée durant la matinée avec un panel d’investisseurs de très haut niveau : Isabelle BEBEAR, Directrice des Affaires Internationales et Européennes de BPIFrance, Bamba LO, fondateur de Paps (startup sénégalaise soutenue par Google), Grégory CLEMENTE, Directeur Général de PROPARCO, Habiba ADDI, cheffe de projet de MEET Africa, Mareme DIENG, Lead, Global Innovation & Strategy de 500 Global (l’un des principaux fonds d’investissement de la Silicon Valley), et Satoshi SHINADA, General Partner de Kepple Africa Ventures (premier fonds d’investissement japonais en Afrique). Il ressort de cet échange que l’Afrique attire de plus en plus d’investissements internationaux : ils ont quadruplé en 2021 comparé à 2020. Plus que du financement dans une entreprise, ces fonds veulent soutenir des économies. Satoshi Shinada indique “nous ne souhaitons pas intervenir de manière ponctuelle mais créer des clusters d’innovation.” Mareme DIENG la rejoint en précisant que son fonds “voulait être sur le terrain et soutenir des économies nationales”.
Chaque fond ainsi présenté leur offre au service des écosystèmes africains. Ils ont également convenu ensemble que pour faire émerger des licornes, dans toute l’Afrique, et pas seulement dans les pays phares, il était indispensable que les écosystèmes continuent de prendre de la maturité. A son échelle, c’est dans cette dynamique que s’inscrit la startup Paps. Bamba LO, son fondateur explique que, pour proposer une offre de services logistiques, la startup a commencé par créer une infrastructure complète avec la formation de chauffeurs et mise à disposition de véhicules. Aujourd’hui, elle assure plus de 3,5 millions de livraisons au Sénégal et en Côte d’Ivoire.
Une autre plénière fut consacrée à l’émergence du Leadership Féminin, nouvel accélérateur du changement en Méditerranée. « On va parler de désir, de volonté, de résilience et d’envie. Il n’y aura pas de pérennité de l’émergence sans un tissu de PME dense, varié et riche réparti sur l’ensemble du continent » introduit Yves DELAFON, Président d’Africalink. « Les femmes représentent seulement 1/5 des spécialistes du numérique sur le continent », poursuit Isadora BIGOURDAN, Chief Program Officer de Digital Africa. Pour Bertrand BADRE, Managing Partner and Founder Blue like an Orange Sustainable Capital : « Promouvoir les femmes est non seulement une bonne chose mais une chose intelligente. » Même mot d’ordre pour tous les speakers : « Investir dans les femmes c’est investir dans la société ». Yves DELAFON pose cette dernière question au panel : « Est-ce que la place des femmes ne dépend pas avant tout des femmes qui éduquent leurs filles ? » avant de conclure : « Il reste du chemin à faire pour que l’homme soit une femme comme les autres ».
La biodiversité, enjeu incontournable pour notre avenir à tous, a été abordé au travers d’une plénière sur les Solutions 2.0 fondées sur la Nature. Des acteurs engagés étaient présents dont Patricia RICARD, Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard, Didier REAULT, Vice-Président Délégué à l’Agenda 2030, aux Solutions fondées sur la Nature, et aux Risques majeurs du Conseil Départemental des Bouches du Rhône, Sarah TOUMI, Coordinatrice de l’Accélérateur de la Grande Muraille Verte Great Green Wall Accelerator – United Nations. Les participants ont pu écouter Madame Lydie BEASSEMDA, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation du Tchad présenter les enjeux environnementaux du pays notamment ceux sous le prisme de la Grande Muraille Verte. 2 millions d’acacias ont été plantés dans cette zone pour limiter les effets de la désertification.
Elle a aussi rappelé la nécessité de la collaboration entre les écoles, les entreprises et l’Etat pour faire émerger des solutions mais aussi de sensibiliser et donner les moyens à la population d’être actrice en adoptant des méthodes de production, d’élevages, etc. plus durable. Ce constat a été rejoint par Corinne BRUNON-MEUNIER, Directrice Générale Déléguée de l’IRD : “Tout est lié : l’innovation, la société civile, l’employabilité, les applications de gestion de données, etc.” avant d’ajouter que les chercheurs de l’IRD étaient très mobilisés dans la recherche en Afrique et mettent leurs études et données à disposition de tous : “sans partage des connaissances entre tous les acteurs, il ne peut y avoir de solutions durables.” Tous se sont accordés sur la nécessité de remettre le vivant au cœur des villages et des villes. Cela est d’autant plus nécessaire que les prédictions de crises alimentaires à moyen terme sont de plus en plus pessimistes et que les solutions ne pourront être que collectives.
EMERGING Valley fut aussi l’occasion d’annoncer le lancement officiel du Programme REA Bridge Africa. « Depuis 2 ans, dans 15 pays africains, le Ministère des Affaires Étrangères a appuyé la création de réseaux d’entrepreneurs en Afrique. Ces réseaux sont aujourd’hui en phase de maturation et REA Bridge Africa est venu les mettre en lien », explique en introduction Emmanuel NOUTARY, Délégué Général d’ANIMA Investment Network. Ce projet a pour objectifs la stimulation des liens entre ces 15 réseaux d’entrepreneurs à travers l’Afrique, mais également le soutien aux membres de ces réseaux.
Dans l’après-midi, les participants ont pu suivre une conférence sur la health-tech. Face aux nouveaux défis sanitaires, comment l’Europe peut s’inspirer de la révolution e-santé africaine ? « L’exemple de la levée de fonds de 15M € réalisée par la startup ghanéenne Africa Health Holding prouve que la e-santé en Afrique a un véritable impact sur le terrain et que des collaborations concrètes peuvent émerger sur la rive Nord de la Méditerranée en s’inspirant directement des startups africaines, à l’instar de Zipline, startup rwandaise de livraison de fournitures médicales par drone », témoigne Samir Abdelkrim.
« Il faut s’inspirer les uns les autres pour régler des problématiques identiques même si les causes sont différentes », poursuit Emmanuelle CHARAFE, Vice-Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Corinne OUATTARA, Directrice Générale de Pass Santé Mousso abonde dans le même sens : « Il faut collaborer pour pouvoir cocréer ». « Il faut co construire peu importe où se trouvent les compétences car le numérique permet cela. La co-construction est la clé », explique aussi Emmanuelle CHARAFE. Les panélistes ont ainsi réfléchi ensemble aux meilleures façons de collaborer et créer des synergies entre la e-santé méditerranéenne et africaine pour faire face aux nouveaux défis sanitaires dans un contexte mondial exceptionnel.
Syma MATI, responsable du projet Entrepreneuriat de l’Agence Universitaire de la Francophonie a présenté son Projet SAFIR : soutenir l’entrepreneuriat social pour promouvoir la participation citoyenne en méditerranée. Né il y a 10 ans, SAFIR, est un projet qui fait confiance aux sociétés civiles pour accompagner et mener les changements en faveur de la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) et de l’inclusion socio-économique de la jeunesse de 9 pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Son ambition est de soutenir des projets qui valorisent le patrimoine, promeuvent et militent pour une citoyenneté active et innovante, propice à l’engagement des jeunes. Comme l’a souligné Carol AWAD BACHOUR, Lead Project Manager chez Pitchworthly/Bloom, le projet SAFIR offre aux jeunes des opportunités de networking et de collaboration.
C’est un consortium d’acteurs qui facilite les connexions mais il s’agit également d’une véritable famille qui aide à grandir une génération qui, comme le dit si bien Sabine EL ZEIN, « se prépare à l’action », cette jeune étudiante précise en effet que « souhaiter et prier sans agir ne changera pas le monde » et qu’elle est « ici chez SAFIR pour se préparer à l’action ».
Les enjeux liés aux villes durables ont aussi été posés et plus précisément : Comment les Startups redessinent la Ville Durable entre l’Afrique et la Provence ? avec des retours d’expériences avec les lauréats Med’Innovant Africa. L’entrepreneuriat innovant peut inspirer et même co-écrire la feuille de route des aménageurs de la ville durable africaine et même, demain, s’exporter en Europe. Les témoignages des lauréats de Med’innovant Africa, en attestent aujourd’hui. Pyrrus KOUOPLONG KOUDJOU et Erik Gyslain DZEMBOUONG TIAM, deux jeunes entrepreneurs camerounais, ont pu partager le fruit de leurs recherches et solutions avec des agriculteurs français.
Démontrant l’efficacité de leur savoir mis au service d’innovations connectées, tournées vers la protection de l’environnement et la préservation des ressources naturelles, ils ont pu bénéficier lors de leur parcours d’un accompagnement de personnes expérimentées ainsi que d’une plus grande visibilité. Désormais ils se préparent à créer ici en France leur société respective. L’Afrique nous apprend des choses, affirme Alfred MIGNOT, Président Club Afrique de la presse parisienne – Africa Presse. « La France apporte un marché plus grand et permet de confirmer que l’on peut se projeter » conclut Pyrrus KOUOPLONG KOUDJOU.
En fin de journée, les participants ont assisté au pitch de 5 startups de la cohorte 2021 du Social & Inclusive Business Camp. Mathe ALLAH (African Food Nutrition – Burkina Faso, a entamé cette session avec un pitch fort et émouvant, véritable appel à la mobilisation contre la malnutrition, ses enjeux à court et long terme. S’en sont ensuite suivis quatre autre pitchs tout aussi inspirants : Anita KEVIN (Amina Dyslexia Center – Nigéria), Khadidiatou SAR (Ferme Piscicole et Agricole de Mbawana – Sénégal), Ayité AJAVON (Africube – AHOENOU Sarl – Togo) et Mariem FAGYHRAOUI (Neolli – Maroc). Ces pitchs viennent en clôture de 4 jours de BootCamp intensif pour la cohorte 2021 et plus largement de trois mois de programme d’accompagnement.